Avec une météo un peu plus favorable pour des trimarans de 30 mètres conçus pour aligner des journées au portant à 600 milles et même beaucoup plus, le scénario aurait été sans doute bien différent, face au paquebot géant et ses 84 000 chevaux. Vincent Riou, vainqueur du Vendée Globe 2004-2005, et qui dispute là sa première transat en course et en multicoque ultime, racontait à la vacation de 3 heures UTC, qu’hier en fin de journée et dans un vent enfin établi à 18 nœuds, Sodebo ultim avait effectué un fantastique bord à près de 30 nœuds sur mer plate, signe du potentiel extraordinaire de ces machines quand l’angle et la vitesse du vent sont favorables. N’empêche, le trimaran skippé par Thomas Coville revenu sur les talons d’IDEC Sport (Francis Joyon), est parvenu à créer un très léger décalage en latéral, et n’était plus en ce 1er juillet qu’à sept petits milles. Toujours pris dans la nasse anticyclonique avec cette dorsale qui s’étale sous la zone des glaces, les trois leaders peinent face au vent, et profitent de la moindre opportunité pour avancer sur la route et donc vers New York. À ce jeu-là, Macif (François Gabart) qui navigue sous l’orthodromie à 1000 milles du but, mène toujours la danse avec 45 milles d’avance sur IDEC Sport, et semble avoir touché en premier le nouveau vent permettant d’avoir une vitesse à deux chiffres après un début de nuit très faiblard. Actual (Yves Le Blevec) qui en dépit de son âge, a fait jeu égal avec ses adversaires lors des dernières 24 heures, progresse dans un autre système météo, à 245 milles du leader. Une chose semble certaine, après six jours de course, aucun des quatre équipages n’entend lâcher le moindre mille vers « Big Apple ».
Ils ont dit...
Yves le Blévec (Actual) :
« Il n’y a pas beaucoup de vent et on avance très doucement. Davy (Beaudart) aux commandes fait marcher le bateau. J’étais à la table à carte en train de faire une petite sieste quand le fleet a sonné, et le quart en stand-by me chambre… Sinon, le Queen Mary 2 va arriver et nous on n’est pas rendus. C’est vraiment complexe pour arriver à New York, et du coup on prend notre mal en patience. Je suis content d’apprendre que nous avons été les plus rapides cette nuit. Tant que le premier n’a pas franchi la ligne d’arrivée, il y a encore du jeu. Hier, la visibilité s’est bien améliorée, et il y a même des moments où il faisait franchement beau, mais toujours dans une situation très instable. Le vent n’est vraiment pas facile à négocier, hyper variable en force et en direction, et sur une fréquence de quelques minutes. Cela génère pas mal de discussions à bord pour savoir quel est le niveau moyen de vent qu’il faut prendre en compte pour avoir la bonne voile. De plus, on traverse différents méandres sous l’influence du Gulf Stream, et la température de l’eau change régulièrement et modifie beaucoup la météo. »
Vincent Riou (Sodebo Ultim) :
« L’Atlantique Nord est bien calme. C’est toujours un peu le même scénario. On vient de rentrer dans une dorsale et l’élastique a bien fonctionné dans l’autre sens, et là on est dans le petit temps en train de la franchir. On est toujours au près, pas forcément serré, et c’est une transat qui est assez lente depuis le départ. On fera le point vers midi ce samedi, car c’est le premier qui va sortir qui va réussir à recreuser. Mais petit à petit on se rapproche des leaders et c’est plutôt satisfaisant. On va retoucher un petit flux un peu plus régulier, mais ce n’est pas non plus des forces de vent importantes. Avant d’atteindre 15 nœuds de vitesse, il va falloir attendre midi… et 15 nœuds sur ces bateaux, ce n’est pas vite même si tout est relatif. Hier soir, on a passé un super moment. On a fait un grand bord entre 28 et 30 nœuds avec une mer très plate ce qui est rare dans ces coins. Ce sont des bateaux assez magiques, puissants et impressionnants par leur capacité d’accélération. Les conditions météo font que la vie n’est pas très difficile à bord, même si on a pas mal manœuvré ces dernières 24 heures. »
Sébastien Picault (IDEC Sport) :
« On fait tout pour s’en sortir au mieux. Pour tout avouer, il y avait une petite courbure à prendre et un virement à faire. Jeudi soir on n’a pas été très brillants, mais cette nuit on s’est améliorés. Au niveau visibilité, ce n’est pas terrible. Il y a beaucoup de brume, c’est un peu humide, et il ne fait pas très chaud. Sodebo Ultim est bien revenu sur nous, et nous a mis un peu la pression comme on dit. Il y a un écart latéral (4 milles ; ndlr) qui s’est créé entre lui et nous et qui n’est pas réellement en notre faveur. On essaye de s’en défaire et on regarde Macif qui va assez vite devant. Peut-être que devant New York, il y aura un nouveau départ on ne sait jamais ? C’est certain que l’on serait plus à l’aise à six qu’à cinq, mais on s’adapte à la situation. Francis (Joyon) est hors quart, bosse la météo et le routage mais vient nous aider dans plein de moments stratégiques. Gwéno (Gahinet) et Quentin (Ponroy) sont de quart ensemble, et moi je suis avec Alex (Pella). Gwéno et Alex qui connaissent bien le bateau (ils ont remporté cet hiver le Trophée Jules Verne en 40 jours ; ndlr) nous forment. Et puis quand il y a des manœuvres on fait en sorte de tous être sur le pont. »