Il va falloir encore une longue journée de patience à l’équipage, avant de franchir le pont de Verrazano-Narrows, portant le nom du navigateur dont on ne sait s’il est né à Florence ou à Lyon, et qui a découvert la baie de New York en 1524, la baptisant « Nouvelle Angoulême » en hommage au Roi François 1er qui l’avait missionné pour ce voyage d’exploration.
Les trimarans Ultimes ont beau porter plus de 500 mètres carrés de voilure au portant, quand le vent reste très faible sous l’influence du vaste anticyclone qui s’étend dans l’Est de New York, les moyennes peuvent vite dégringoler. Actual en a fait l’amère expérience ce mardi 4 juillet, ne parcourant qu’un peu plus de 200 milles en 24 heures, quand ces bateaux peuvent aligner des journées de plus de 600 dans des conditions favorables.
Lors de la vacation de ce mercredi à 3 heures UTC, la Britannique Samantha Davies, seule fille de la course, en charge de la navigation sur le trimaran gris et rouge, expliquait que depuis plusieurs jours, elle passe beaucoup de temps devant l’ordinateur à la table à cartes, explorant tous les documents météorologiques et les modèles de prévision qu’elle a sous la main, que ce soit le FGS (modèle météo européen) ou le CPS (modèle américain). Naviguant sous l’orthodromie, Actual fait désormais route directe sur New York dans une légère brise nocturne de Nord-Est.
Le plan Irens-Cabaret, mis à l’eau il y a exactement dix ans, n’a pu réellement rivaliser avec les multicoques plus récents en matière de performance pure, et navigue depuis plusieurs jours dans un autre système météo guère favorable. Cela n’empêche pas Yves Le Blevec, Samantha Davies, Jean-Baptiste Le Vaillant, Davy Beaudart et Stanislas Thuret de profiter des dernières heures de mer, dans une ambiance à bord où l’on n’a pas l’air de s’ennuyer. Si Actual parvient à tenir une moyenne de 10 nœuds, il franchira la ligne jeudi 6 juillet en milieu de nuit prochaine.
Sam Davis (Actual) : « Nous étions juste en train de mettre le « gennak » et c’est plutôt bien. On n’a pas réveillé le skipper… qui a gagné une heure de sommeil. Le vent est arrivé un peu plus tôt que prévu, et on avance plus vite que ce qu’on imaginait. On a actuellement 8 nœuds de vent au 50, donc du Nord-Est. Tout à l’heure, on était dans le brouillard complet, et on ne voyait à peine l’étrave, et maintenant on aperçoit les étoiles et aussi des cargos.
Les prévisions météo sont un peu compliquées. On est dans une situation de transition, et je pense qu’il a fait très chaud à terre (30° à New York mardi ; ndlr). On a regardé plusieurs modèles météo et aussi des analyses de situations sur les sites américains. Je pense que nous sommes sortis des effets de courant du Gulf Stream. Les météorologues à terre sont assez pessimistes sur le peu de vent à venir. Je pense que dans moins de 24 heures, nous serons sur la ligne. C’est à peu près ça que l’on vise. J’ai regardé un peu tous les modèles et là il y a des fichiers avec des mailles un peu plus fines et plus adaptées aux conditions locales. Jusque là, j’ai surtout travaillé avec le modèle européen, mais là avec l’atterrissage, j’utilise surtout le modèle américain. Et comme je regarde un peu tout, c’est difficile d’avoir une ETA précise, car ils ne sont pas tous d’accord entre eux.
On parle un petit peu anglais en vue de l’arrivée. Il y en a qui sont motivés, d’autres moins ! On révise un peu de vocabulaire (rires). Mais ça va revenir très vite demain quand on va voir la terre. Tout se passe bien à bord, mais c’est toujours un peu difficile psychologiquement quand les bateaux devant ont coupé la ligne d’arrivée. Mais l’ambiance est toujours bonne, et nous sommes motivés d’arriver au plus vite. On a profité aujourd’hui du beau temps calme et de l’eau de mer chaude pour prendre une douche et se reposer un peu. »